Putain de technologie

Publié le par Christiane Valdy

Putain de technologie

Je me suis fait rattraper par le temps. Pourtant j’ai toujours été « manuelle », je pouvais planter des clous, mettre des chevilles, fabriquer des petits meubles, manier la pelle, peindre, arranger ou changer la douche de la salle de bain. Lorsque je pouvais encore m’agenouiller et me coucher par terre, j’arrivais même à réparer des fuites d’eau.

Quand il y a eu les ordinateurs, Internet, pas de problème, je tape avec une bonne vitesse à dix doigts, et suis assez douée en traitements de texte, montages de documents et recherche sur le Net.

Mon problème d’incapacité d’adaptation a commencé avec les vidéos projecteurs. Je me déclare incapable de connecter un vidéoprojecteur à un ordinateur. Punaise ce n’est pourtant surement pas sorcier. J’ai beau regarder moultes vidéos explicatives sur You tube. J’ai beau appuyer sur « chercher la source », toujours rien, le film ne veut jamais apparaitre sans l’aide d’un ou d’une sorcière qui débranche et rebranche en deux secondes, et tout marche.  Les câbles, ce n’est pas pour moi.

Mon second problème a été avec les téléphones portables. Là j’ai commencé à souffrir quotidiennement. D’abord je n’y vois pas grand-chose, je n’entends pas grand-chose non plus aux messages vocaux, je n’entends pas les appels, et surtout, je ne sais pas pourquoi les écrans tactiles n’aiment pas mes doigts. Ils ne répondent pas directement à mes pressions. Quant aux messages que j’écris en appuyant presque au hasard, mieux vaut ne pas en parler pour ne pas sombrer dans le ridicule complet. Le style poucette n’est pas fait pour moi, l’index dirige, et il dirige en tapant souvent à côté.

Et là je le dis il me faut de grands écrans pour voir, et un vrai clavier pour taper allégrement dessus.

Aujourd’hui j’ai reçu une nouvelle gifle virtuelle dans la gueule. Humiliée par une pimbêche de la banque.

Je devais payer l’assurance de la voiture par Internet. J’entre sur la page de la banque, écris mon numéro d’identité, écris mon code. « Clave incorrecta, cambiar la clave ». «ils» me parlent en espagnol. Pourtant ça fait moins de trois mois que j’ai changé la clé, ou le temps passe si vite…

Je recommence. Je clique sur « home », écrit en anglais. J’écris mon numéro d’identité. Je coche « cambiar mi clave », On me demande mon token. Illisible comme d’habitude. Je prends ma loupe. Token incorrect. Je recommence « Home », mon numéro d’identité. « Cambiar la clave », Mon token. Ouf ça marche. «ils» poursuivent. Écrire les 11 derniers chiffres de la carte bancaire.

Punaise, où est ma carte bancaire ? dans le portemonnaie dans mon sac. Où est ce p.- de sac ?? dans mon bureau, sous mes fesses, sur la table, non sur le canapé, caché sous des pull. «Ils» veulent les 11 derniers chiffres. S’ils demandaient les 11 premiers ce serait plus facile à compter. Impossible de lire, je tiens la carte à l’envers. Où est ma loupe pour lire ? J’écris. Ouf, ça marche. Maintenant «ils» »me demandent mon code. Code incorrect me disent-ils. Comment va-t-il être incorrect si je suis en train de le créer ? 4 lettres et 4 chiffres. C’est écrit.

Je recommence le parcours du combattant, une fois, deux fois, trois fois. Mon code. Blocage. « Tiene que cambiar su clave » Je repars vers le « home », réécris mon numéro d’identité. Mes mains commencent à suer. Je coche « cambiar mi clave » . Ouf ça a l’air de fonctionner. “Escriba su nueva clave”. 4 chiffres et 4 lettres. 2049CHRI. 2049 est l’année à laquelle je pense m’en aller. Et CHRI de Christiane, pas difficile à se souvenir. « Acceso denegado » « Clave incorrecta ». Comment va-t-elle être incorrecte si je viens de la créer ? Je recommence une nouvelle fois depuis le début « home », « Clave incorrecta » est la seule réponse que me donne l’ordinateur.

Je craque c’est le premier jour du mois, il va y avoir un monde fou à la banque. Tant pis. La date du paiement de l’assurance de la voiture est déjà passée. Il faut que je la paie. Je démarre, et fais marche arrière pour sortir. Le chat saute de la voiture en marche. Je manque de l’écraser. Quelle andouille, il était couché sur le capot de la voiture d’où Il surveille le quartier. Je ne l’avais pas vu. Il n’aurait plus que manquer que j’écrase le chat de ma fille pour aller à la banque. Ça continue bien. Pas de stationnement près de la banque. Un tour, deux tours, et mince, et finalement je me gare un peu loin. Pas de gardes dans la rue. Aucun watchingman. Pourvu qu’on ne m’ouvre pas la voiture. Je marche vers la banque.

« Servicio al cliente » ou « informaciones » ?. Je choisis le second au pif. Il y a moins de monde. Fiche 82, Le panneau affiche 75. Enfin mon tour. J’explique. D’un sourire moqueur, mon interlocutrice me regarde « vieille conne qui me fait perdre mon temps » doit-elle penser. Je lui rends son regard. « Jeune conne, ne te fiche pas de moi, sinon je pète les plombs ».

Je la suis vers l’ordinateur virtuel. Mon numéro d’identité. Demander le changement de « clave », les derniers 7 chiffres de ma carte bancaire. En souriant je lui dis que sans loupe je n’arrive pas à les lire. Condescendante elle me les lit. L’atmosphère se détend. Un nouveau code est envoyé sur mon téléphone portable. Nouveau code à écrire. On me demande mon token. Je cherche le token au fin fond de mon sac. Heureusement je l’ai pris , y est accroché un porte clé avec une petite étoile de mer  en plastique que je reconnais facilement au toucher.

Là une nouvelle fois j’ai besoin d’aide. Je ne peux pas le lire sans ma loupe !. Je dois l’agacer. Elle pourra en parler à ses collègues lorsqu’elle prendra le café. Mais ce n’est pas fini. Je dois écrire mon nouveau code. 4 lettres et 4 chiffres. Et là je comprends mes erreurs passées. 4 lettres qui ne sont pas des voyelles, ni la lettre ñ. «Ils» n’auraient pas pu dire simplement : n’utiliser que des consonnes ? « Está escrito » me dit-elle.

Prise en flagrant délit de mauvaise lecture par cette pimbêche. Je recommence. 4 chiffres et 4 consonnes. Problèmes. Mes mains suent, le stress, l’écran tactile ne reconnait pas la pression de mes doigts. J’appuie, doucement, fortement, je tape. Les chiffres n’apparaissent pas. « Ayudeme por fa ! » je dois supplier. Un petit top des doigts aux ongles vernis d’un rouge bien criard de la pimbêche, et chaque chiffre apparait sans peine. Code changé. À confirmer. Je recommence. L’écran tactile ne reconnait toujours pas mes doigts. Il refuse d’écrire sous ma dictée des chiffres. Je m’énerve. Je tape, je glisse, j’appuie doucement. Rien. Il ne lit pas mes doigts. « Ayudeme par favor ! ». Je l’agace, c’est sûr. Et top-top-top-top- les chiffres apparaissent sous la pression de ses doigts aux ongles rouges.. Maintenant les 4 lettres au clavier. Heureusement que j’avais pris les 4 premières consonnes d’une personne qui m’est chère. Un peu de stress, mais je les retrouve rangés dans une case de mon cerveau. Clave cambiada. Euréka !

« Gracias , muy amable» seul truc qui me sort de la bouche pour dire un « hasta nunca » à la pimbêche aux longs cheveux bruns et aux ongles peints en rouge. « Con mucho gusto, estamos para servirle », et elle m’a déjà tourné le dos.

Dans la rue, à l’abri de son regard, je m’empresse de noter le nouveau code sur ma main gauche suante avec un gros feutre noir, seul outil dans mon sac. Pourvu que ça ne s’efface pas avant d’arriver à la maison !

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